La Fédération des réseaux de carrossiers indépendants (FRCI) a dévoilé les résultats de son tout premier Observatoire Covid-19, commandée à la société SOCCA, afin de rendre compte de l’impact de la crise économique générée par la pandémie sur le métier de réparateur. Et malgré l’impact, qui s’annonce durable, sur l’ensemble des ateliers de carrosserie, de réels motifs d’espoir subsistent malgré tout…
Sur les 2 200 entreprises de réparation carrosserie membres de la FRCI, 522 réponses complètes ont pu être collectées, soit 23,7% de répondants. Des réparateurs qui se sont largement ouverts de leurs difficultés, rencontrées depuis le début de la crise sanitaire et économique.
Presque 25% de chiffre d’affaires en moins à fin mai
Le CA moyen du panel est passé de 419 400 € de janvier à mai 2019 à 319 000 € sur la même période de 2020. Le recul, de 24,9 %, n’était déjà guère encourageant. Mais la réparation-collision profite elle aussi d’un certain rattrapage de ces kilomètres perdus, grâce aux vacances automobiles en France et au statut de refuge sanitaire que les autos conservent depuis la rentrée. Les panélisés prévoient donc 70 200 € de CA mensuel de juin à décembre 2020, contre 63 800 € par mois engrangés sur les 7 derniers mois de 2019. Soit +45 000 € qui seraient -et espèrent-ils, seront- les bienvenus pour limiter la casse.
Aides utiles de l’État
Il faut aussi constater que 80 % des entreprises ont utilisé les reports de charges, que 50 % ont opté pour le PGE, mais aussi que plus de 90 % ont logiquement activé le chômage partiel qui, lui, a réellement réduit les charges habituelles. 48,5 jours de salaires+charges ont ainsi déjà été épargnés en moyenne. Et 11,4 % des carrossiers interrogés disent vouloir et devoir continuer à en bénéficier…
En ce qui concerne le prêt garanti d’État (PGE), Philippe Arraou, président d’honneur de l’Ordre des experts-comptables et président du BDO, invité pour commenter les résultats de l’étude, se dit surpris de ne voir qu’environ la moitié des réparateurs sondés l’avoir sollicité.
«Je le traduis presque comme un signe de confiance, alors que j’ai moi-même conseillé à tous mes clients de le solliciter car cela ne coûte rien, souligne-t-il. Ce PGE à 0,25 % de taux d’intérêt est, en outre, d’une facilité déconcertante à obtenir, même si je pense qu’il ne sera pas facile à rembourser en cinq ans, car il faudra mobiliser 5 % du chiffre d’affaires et 5 % du résultat net après impôt pour y parvenir, ce que peu d’entreprises peuvent se permettre. Il faudra que l’État fasse quelque chose pour rendre ce remboursement plus facile. Mais j’encourage néanmoins tous les entrepreneurs à solliciter le PGE car c’est une vraie sécurité : c’est un réflexe un peu paysan, mais qui a ses vertus. »
Emploi, formation et investissement restent des priorités
Les volontés d’embaucher restent réelles, signe que les nuages n’occultent pas toutes les aspirations au développement. Une entreprise sur 4 souhaite ainsi recruter. Les 522 entreprises interrogées ont besoin de 134 postes à pourvoir, ce que la FRCI projette donc à un besoin de 590 à l’échelle des 2 300 entreprises animées par les 7 enseignes de carrosserie membres de l’organisation professionnelle.
Même gourmandise constatée en matière de formation. 40 % des presque 600 carrossiers auscultés par l’étude ont besoin, à 85 %, de formations techniques.
«Au niveau de la carrosserie-peinture, nous constatons un maintien des formations et les entreprises continuent de jouer le jeu de l’alternance, se réjouit Catherine Rolland, responsable de l’OPCO Mobilités Nouvelle-Aquitaine. Actuellement, nous assistons un niveau d’embauche en alternance satisfaisant.»
En creux, cette surprise : la digitalisation forcée par le confinement n’a pas vraiment changé les habitudes en la matière. 24,3 % demandent des sessions en présentiel quand « seulement » 17,3 % aspirent à des classes virtuelles…
Autre indicateur de la résilience des carrossiers malgré les forts ventes économiques contraires : l’investissement. Seulement 1,5 % disent les avoir stoppés, quand 21,6 % les maintiennent et 18,4 % avouent les avoir seulement reportés. A noter toutefois qu’il en reste quand même 58,5 % qui les excluent purement et simplement… Mais pour ceux qui souhaitent continuer d’investir, s’ils privilégient de manière écrasante les investissements sur le bâtiment, ils sont 16% à envisager d’investir dans les équipements de recalibrage d’ADAS.
«Une entreprise doit anticiper les évolutions et même dans un contexte difficile, il faut qu’elle continue à se développer», souligne Philippe Arraoui.
La main d’œuvre, clé de la juste rétribution
Yves Levaillant, président de la branche Carrossiers du CNPA, sollicité en visioconférence, abonde.
«Il est incontournable pour nos professions de continuer d’investir, compte tenu du fait que les constructeurs ne cessent de complexifier leurs véhicules et nous ne pouvons pas nous contenter de recourir à la sous-traitance».
Devant les quelques conclusions tirées par la SOCCA de cette étude, Patrick March, président de la société, n’a pu s’empêcher de mettre en exergue le besoin qu’ont les carrossiers de voir leur métier revalorisé ainsi que le taux de main d’œuvre.
«Il y a une vraie réflexion, profonde, attendue autour de ce thème», insiste-t-il. Et Patrick Cléris d’insister : «il ne faut pas sous-rétribuer le geste technique, surtout à une ère où l’on demande au réparateur indépendant de traiter les voitures au même titre qu’un concessionnaire, ce qui nécessite de se former».
Un fond de déprime
Tout cela posé, l’anxiété préside tout de même. 66,7 % sont inquiets pour leur destin personnel de chef d’entreprise, quand seulement 8,7 % demeurent optimistes. Ils sont encore plus stressés pour leurs équipes (70,7 % contre seulement 3,9 %). On sent que leur inquiétude dépasse leur seule activité quand ils sont 61,9 % à craindre pour leur entourage et 56,4 %, pour leurs clients (contre respectivement 5,1 % et 7,2 % d’indécrottables optimistes).
Source : Après-vente Auto